Les jours de l’amitié à Akwesasne

Pour Francis

Après-midi humide sur les bords du St-Laurent,
des femmes pagaient sur la rivière dans leurs canoë de course. Gavé de pain frit, de soda ,de tarte chaude à la fraise et la rhubarbe
je trébuche sous la charmille de cèdre et
m’installe pour écouter le tambour et les chants.

Des Mohawks costumés encerclent une « stomp-dance ».
Je prends place sur un banc près d’une vieille femme avisée qui demande en Mohawk ce que je fais. Avec mon petit sac en bandoulière
à l’épaule gauche, j’imagine que je dois l’admettre
« Je suis écrivain  » dis-je tout en sourires « quel genre » ? demanda-t-elle vraiment curieuse,
un poète répondis-je fièrement…
A cela elle offrit un grognement
se leva et partit ronchonner plus loin.

Bien… Peut-être avait-elle raison. © Texte extrait du recueil « Humours and/or not so humerous » édité par Swift Kick n° 7/8

De la tribu Choctaw, John D Berry

De descendance Choctaw et Cherokee, avec du sang Irlando-Ecossais, natif d’Oklahoma où ses ancêtres ont toujours vécu, âgé de 48 ans, il se dit « écrivain et poète occasionnels ». Son appartenance tribale est Choctaw. Il veut avant tout être digne du titre d’être humain en tant que fils, père et mari. Il a étudié l’anthropologie et l’archéologie. Il est actuellement bibliothécaire à l’université de Colombia dans le Missouri et fait office de directeur assistant des services académiques pour l’université d’état d’Oklahoma (le département des diplômes). Il a été élu par ses pairs président de l’association des bibliothèques indiennes d’Amérique. L’année 1999-2000, il fut également élu président, pour trois ans, de l’université indienne d’Oklahoma. Il participe aux danses et cérémonies rituelles de la tribu et connaît les rudiments de sa langue.

Artefact

Seul j’existe, sans l’odeur de la sauge,
ou du tabac sacré. Ni sans la fumée qui s’élève.
Seul je m’assieds sans la calme sécurité
de la protection du cèdre, ou sans la caresse du soleil.
Seul j’existe, sans le son du tambour
ou la voix des cérémonies, sans avoir rempli ma tâche.
Seul je m’assieds, sans comprendre
dans le grand entrepôt appelé Musée.
Seul je vis isolé de mon peuple, j’attends de rentrer à la maison.

Acier

Il y en a encore pour dire que les Indiens sont stoïques
avec un regard d’acier. Vous aimez les stéréotypes, non ?
Pourtant nous ne connaissions rien de l’acier
jusqu’à ce que vous débarquiez avec épées et fusils plus la cruauté, il y a si longtemps déjà.
Si l’acier fait désormais partie de nous et qu’il vous regarde parfois
ou bien qu’il vous parle, vous étonnez-vous du pourquoi ?
Mélangés dans le creuset
de vos politiques
dans le melting-pot des règles policées,
casés dans vos moules grâce aux écoles Indiennes,
et travaillant de huit à dix-sept heures dans la journée, durcis sur l’enclume du colonialisme dans la forge du génocide…
L’acier que vous avez fabriqué
fut trempé de notre propre sang.
Tempéré par cinq cents ans de racisme, de haine
et de pleurs.
Est-ce une surprise si certains,
au travail, ou dans la rue,
ne peuvent pas nous regarder dans les yeux
ou ne peuvent pas entendre nos propos ?
Peut-être devraient-ils regarder plus profondément,
écouter plus attentivement, car il y a d’autres choses
plus anciennes et plus résistantes
que le simple acier.
Rejoignez le bord de l’eau et regardez dans les yeux ceux-là même qui s’y reflètent dites-moi alors , que voyez-vous d’autre ?
Ecoutez votre monde , qu’entendez-vous d’autre ?

D’origine Cherokee, Diane Glancy

Née en 1941, à Kansas City dans le Missouri d’un père Cherokee et d’une mère de descendance Anglo-Allemande. Elle a été longtemps une artiste en résidence pour le State Arts Council d’Oklahoma. Plusieurs de ses livres relatent cette expérience. Aujourd’hui elle enseigne au Macalester College de St-Paul dans le Minnesota, où elle est professeur dans le département d’Anglais. Elle enseigne la poésie, l’écriture et la création tant dans le domaine de la fiction que dans celui des scripts ou du théâtre. Elle donne des cours et anime des séminaires de littérature Indienne .
Elle a reçu de nombreuses récompenses, prix et distinctions pour ses écrits poétiques comme pour ses récits de fiction ou ses écrits théâtraux.

Sans titre

pour mon père qui a vécu sans cérémonie.

C’est dur vous savez sans bison ,
sans chaman, sans flèche, malgré tout mon père partait chaque jour chasser
comme s’il jouissait encore de tout cela.
Il travaillait dans les abattoirs.
Toute sa vie il nous a rapporté de la viande.
Personne n’a célébré son premier abattage, Personne n’a chanté son chant du bison.
Sans avoir fait une quête de vision il a émigré vers la ville
et partit au travail dans une conserverie de viande. Quant il apportait à la maison les peaux et les cornes
ma mère disait
débarrasse nous de çà.
Je me souviens des empreintes d’animal que laissait dans l’allée
sa voiture en reculant dans la neige ou dans la boue,
l’antenne de sa vieille voiture,
vibrante comme la corde d’un arc.
Je me souviens du silence qu’émettait son pouvoir perdu,
le bison rouge peint sur sa poitrine.
Oh, je ne pouvais pas le voir
mais il était là, et dans la nuit j’entendais
ses grognements de bison comme autant de ronflements.

Si les Indiens arrivent
rien ne commencera à l’heure

Il en faut du temps
pour que l’esprit des Indiens et du Bison
traversent la grand-route. C’était leur territoire.
Ils reniflent l’odeur de l’herbe et attendent que le vent leur apporte des jambes de chair.
Les esprits des Indiens et du Bison ne traversent pas
la route facilement.
Suivre les voies invisibles qu’ils empruntent
prend du temps.
Ils luttent dans le nouveau monde qu’ils subissent.
Les os doivent être complètement nettoyés de leurs chairs et les peaux tannées.
Il faut faire des offrandes au Grand-Esprit.
Il faut du temps
pour s’habituer à l’Espoir, il brille comme la surface d’Onion Creek.

© Textes extraits du recueil Iron Woman, édité en 1990 par les éditions New Rivers Press, Minneapolis, état du Minnesota.

« En premier lieu, nous avons besoin d’un endroit familier où nous retrouver dans les moments difficiles, pour échapper à la confusion et obtenir le détachement nécessaire. Cet endroit n’est pas sur terre, c’est endroit universel beaucoup plus vaste que ne l’est la réalité quotidienne, c’est l’espace que nous apportent les cultures orales et les traditions Indiennes, c’est la place de l’imagination, de la créativité et du Rêve », dit le poète Gérald Vizenor. Béatrice Machet est allée à la rencontre de ces hommes et femmes écrivains, de leurs territoires du dire. Elle a publié une anthologie aux éditions de l’Amourier. Nous remercions Béatrice Machet d’avoir autorisé Chantiers.org à mettre en ligne plusieurs extraits de son ouvrage. Ils donnent un aperçu de la richesse du livre.

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